"Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais."
Je viens de finir un des livres que j'ai le plus aimé.
La promesse de l'aube, de Romain Gary, est un hommage de l'auteur à sa mère sous la forme d'une biographie où il raconte ses vingt premières années, de la Lituanie à la Résistance en Afrique et en Angleterre, en passant par la Pologne et par Nice. Sa mère, une femme excentrique qui voit en son fils tous les talents du monde, avait une admiration sans bornes pour le France et voulait le meilleur pour Romain, qu'elle a élevé seule. Il décrit dans ce livre la relation extrêmement forte qui les liait et toutes les péripéties de sa jeunesse, avec beaucoup de recul, d'humour et d'autodérision pour quelqu'un qui a réussi a obtenir deux fois le prix Goncourt (ce qui est théoriquement interdit, mais la seconde fois, il avait publié sous le nom d'Emile Ajar) et est devenu diplomate, entre autres. Tout ça dans un style poétique et drôle, où les phrases s'enchaînent avec fluidité.
Un extrait choisi par moi =) :
"Nous nous envolâmes quand même. Je savais bien, moi, qu'il ne pouvait rien m'arriver, puisqu'une formidable puissance d'amour veillait sur moi, et aussi, parce que tout mon goût du chef-d'œuvre, ma façon instinctive d'aborder la vie comme une œuvre artistique en élaboration, dont la logique cachée mais immuable, serait toujours, en définitive, celle de la beauté, me poussaient à ordonner dans mon imagination l'avenir selon une correspondance rigoureuse dans les tons et les proportions, les zones d'ombre et les clartés, comme si toute destinée humaine procédait de quelque magistrale inspiration classique et méditerranéenne, soucieuse avant tout d'équilibre et d'harmonie. Une telle vision des choses, en faisant de la justice une sorte d'impératif esthétique, me rendait, dans mon esprit, invulnérable tant que ma mère vivait - moi qui étais son happy end - et m'assurait d'un retour triomphal à la maison. Quant à l'adjudant Delavault, bien qu'il fut sans doute loin d'imaginer la vie douée de cette sorte de cohérence secrète et heureuse d'une oeuvre d'art, il n'hésita pas non plus à se lancer au-dessus des flots sur des moteurs trop faibles, avec un "on verra bien" flegmatique, sans le moindre secours de la littérature, mais uniquement avec deux pneus dans la carlingue, pour nous servir de bouées, en cas de besoin."
Un vrai plaisir d'avoir lu ce livre, vraiment très beau.